‘Dans l’agglomération lyonnaise, la chasse est ouverte – la chasse aux mauvaises odeurs : les habitants sont priés d’être aux aguets et, à la moindre alerte, de téléphoner au 0800-800-709, numéro vert fonctionnant 24 heures sur 24.
Au début de l’année, quelque 200 nez volontaires ont été recrutés et formés dans ce but. On les a joliment baptisés ‘olfacmètres humains’. Ce n’étaient que des éclaireurs : les bipèdes de tous les âges et de tous les sexes sont appelés à devenir citoyens renifleurs. Une mallette contenant diverses fioles a été spécialement conçue pour leur apprendre à distinguer un arôme d’un remugle, un parfum de rose d’une pestilence répugnante.
L’exercice peut-il se limiter aux fumées d’usine, aux miasmes des égouts et aux crottes de chien de l’agglomération lyonnaise ? Il faudrait distribuer de nombreuses mallettes à Paris, dans les hautes sphères du pouvoir économique. L’argent n’ayant pas d’odeur, peu d’oracles ont senti venir la crise. Ça puait, pourtant. Les chantres de la mondialisation heureuse, qui se moquaient des narines délicates, ont retourné leur veste au cours des dernières semaines, mais sans rien perdre de leur assurance. Eux n’ont pas à se boucher le nez : ils sont toujours dans le sens du vent.’