Friday, 22 de November de 2024 ISSN 1519-7670 - Ano 24 - nº 1315

Robert Solé

‘Cherchez l´erreur. Dans un article du 21 mai, Le Monde annonçait que des biologistes de l´université de Séoul, ‘dirigés par Wook Suk-hwang, seraient parvenus à obtenir des lignées de cellules souches humaines à partir de la création in vitro d’embryons’, via la technique du transfert de noyaux de cellules somatiques dans des ovocytes préalablement énucléés’ .

Vous ne voyez pas ? L´erreur a pourtant bouleversé une lectrice coréenne, Lee Yoon-joo, qui nous a écrit de Londres : ‘Comment un journal aussi admirable que Le Monde peut-il mélanger ainsi nom et prénom ? C´est comme si vous aviez parlé de Baptiste-Lamarck Jean ou de Laurent Lavoisier-Antoine.’

Un rectificatif est paru dans le numéro du 4 juin : ‘Nous avons interverti le nom et le prénom du professeur sud-coréen qui est parvenu à produire par clonage 11 lignées de cellules souches humaines. Il s´agit de Hwang Woo-suk et non de Woo Suk-hwang, comme nous l´avons écrit dans Le Monde du 21 mai. Hwang est son patronyme, Woo-suk son prénom.’

Dans un journal ‘aussi admirable que Le Monde’ , un rectificatif doit répondre à plusieurs critères : être clair et net, sans phrases contournées ; être proportionnel à la faute commise ; enfin, être publié aussi rapidement que possible.

Le rectificatif du 4 juin répondait parfaitement aux deux premiers critères. On peut regretter, en revanche, qu´il n´ait pu paraître plus tôt. Chaque jour qui passe diminue la portée d´une correction et entraîne des erreurs en chaîne, car les articles du Monde inspirent d´autres publications. Y compris des publications du Monde lui-même, comme le fait remarquer une lectrice de Dijon : ‘J´ai sous les yeux un article du 23 octobre 1994, réédité dans le dernier numéro de Dossiers et Documents. Je suis surprise d´y lire que ‘Mahomet s´enfuit de La Mecque en 622 avant Jésus-Christ’. Même pour un prophète cela relève de l´exploit, car le fondateur de l´islam n´était pas encore né à cette date !’

Règle d´or : toute erreur commise dans le journal doit être rectifiée. Mais comment l´appliquer ? S´il fallait, chaque jour, revenir sur l´ensemble des fautes, petites ou grandes, constatées par la rédaction ou signalées par des lecteurs, une colonne entière n´y suffirait pas.

La gravité d´une erreur n´est pas perçue de la même manière par tout le monde. Une jolie photographie de première page, le 10 juin, montrant un oiseau sur sa branche, annonçait un article sur les effets du changement climatique. La légende qualifiait ce charmant volatile de ‘fauvette à tête noire’ . Un lecteur de Beynac (Haute-Vienne), Jean-René Mariaux, s´en est étranglé : ‘Oh ! non, ce n´est pas la photo d´une fauvette à tête noire. A la rigueur celle d´une fauvette babillarde !’

Il n´a pas eu de rectificatif, parce que les meilleurs ornithologues du Monde, réunis en conclave à la suite du courrier de M. Mariaux, ont reconnu sur la photo une fauvette à tête noire… dont la tête, expliquent-ils, n´est pas toujours noire. Sur ce point précis, on permettra au médiateur de rendre son tablier.

Sans exiger de rectificatif, des lecteurs soulignent des erreurs mineures, mais parfois significatives. Denise Bernot (courriel) : ‘Cher Monde, tu pousses un peu loin l´anglomanie. Antony, commune des Hauts-de-Seine, s´écrit sans H, car ce n´est pas le prénom anglais mais un ancien fief de Saint-Germain-des-Prés, Antoniacus.’

Le clin d´oeil peut même être accompagné d´un compliment. A l´occasion d´un article sur le championnat de France de rugby, André Grange, d´Arnouville-lès-Gonesse (Val-d´Oise), s´est exclamé : ‘Par Toutatis ! La malédiction de Brennus a encore frappé !’ Le journaliste avait cité ‘le fameux chef militaire gaulois Brennus (…), dont Biarritz et Paris se disputaient, samedi 11 juin, le légendaire bouclier’ . Or, sauf un improbable cousinage à travers les siècles, le Gaulois n´a rien à voir avec le trophée. ‘Le bouclier de Brennus, remis à l´équipe victorieuse, doit son nom à son artiste créateur : Charles Brennus, par ailleurs cofondateur de la Fédération française de rugby, affirme M. Grange, qui ajoute : Nonobstant cette calembredaine, Jean-Louis Aragon n´en a pas moins signé un excellent article sur la défaite de mon club préféré.’

Indépendamment des droits de réponse et du Courrier des lecteurs, Le Monde publie chaque mois une cinquantaine de rectificatifs ou précisions. Il s´agit d´erreurs factuelles : une citation tronquée, une date inexacte, un nom mal orthographié… Le journal ne revient pas, en revanche, sur des fautes de français, qui choquent tout autant certains de ses lecteurs.

Marc Vignal (Paris) : ‘Je lis dans un titre : ‘Schröder accélère les élections générales en Allemagne’. Je vous serais reconnaissant d´expliquer dans vos colonnes ce que cela veut dire. Doit-on comprendre que les Allemands ne disposeront que d´une demi-journée pour voter ? Il serait souhaitable que Le Monde apprenne à écrire le français, au lieu de verser des larmes de crocodile sur la crise de l´enseignement.’

Un autre mot mal choisi nous a valu, le 21 mai, cette réaction mi-figue mi-raisin de Marc Lenot (courriel) : ‘Excellent article du ‘Monde 2’ sur la Biélorussie, mais l´auteur aurait-il l´amabilité de nous dessiner le plan de Minsk, avec ses ‘quartiers au sein desquels le plan des rues est généralement octogonal’ ? Mes études de mathématiques ne me laissent pas l´imaginer. Parlera-t-on bientôt d´octodoxie dans votre rubrique religieuse ou d´octopédiste dans vos pages Médecine ? Revenons au droit chemin, celui qui est orthogonal !’

Il est un verbe que les journalistes du Monde adorent – on se demande pourquoi – et qu´ils emploient de travers une fois sur deux. Pierre Levêque, lecteur de Fontaine-lès-Dijon (Côte-d´Or), a fini par saisir le médiateur. Dans le numéro du 14 juin, un premier article nous apprenait que Nicolas Sarkozy avait ‘enjoint les militants (de l´UMP) à aimer et à soutenir qui ils voulaient’ . Un deuxième indiquait que Marie-Georges Buffet avait interpellé ‘la direction du PS en l´enjoignant de rejoindre la construction d´une alternative antilibérale’ . M. Levêque constate : ‘Dans le premier cas, le verbe enjoindre est confondu avec inciter ou exhorter ; dans le second cas, avec prier. Il fallait bien entendu écrire : ‘a enjoint aux militants d´aimer’ et ‘en lui enjoignant de’…’ . On essaiera de s´en souvenir.

Une exergue en page 6 du Monde du 2 juin a échappée à toutes les relectures vers 10 h 30 du matin, dans la fièvre du bouclage : ‘Les ministres croisent les doigts pour ne pas être sacrifiés sur l´hôtel des équilibres politiques.’ Des lecteurs horrifiés se sont aussitôt précipités sur leur plume ou leur clavier pour faire des commentaires acerbes. M. Blanvillain (Paris) : ‘Et maintenant, bien sûr, les ministres vont tous se rendre à l´autel Matignon, cela va sans dire !’

Un simple signe de ponctuation peut changer le sens d´une phrase. ‘Des virgules c´est bien, trop de virgules c´est trop !’ , nous a écrit Jean-Louis Claudon, de Tokyo, après avoir lu dans Le Monde du 24 mai le sous-titre suivant : ‘Le fils de l´ancien premier ministre libanais, assassiné en février, se présente aux élections législatives du 29 mai.’ Commentaire de M. Claudon : ‘Son père doit être mort de jalousie.’’