‘Grève à la SNCF, violence à l’école, cacophonie à l’Elysée… Heureusement, les Français ont un trésor, qu’ils conservent jalousement : leur langue, et toutes ses subtilités.
Exemple : voilà n’est pas voici. Ces mots se distinguent l’un de l’autre par la distance (voilà votre nez et voici le mien) ou par le moment de l’action (voilà ce qu’il a fait et voici ce que je vais faire).
Mais le français évolue. Nous ne parlons plus comme au temps de Molière (‘C’est le coup, scélérat, par où tu m’expédies, et voilà couronner toutes tes perfidies’, Tartuffe, acte V, scène 7). Nous savons ponctuer nos phrases de ‘voilà’ à tout bout de champ, à tout propos, du matin au soir. Il suffit d’écouter dix minutes de radio pour le mesurer. Certains auditeurs les comptent. La France manque de pétrole, parfois d’idées, mais des ‘voilà’, elle en a en veux-tu en voilà.
C’est un tic délicieux, pas lassant du tout. Alors voilà, il fallait le saluer. Ce mot indispensable est prononcé avec une telle spontanéité, une telle générosité que voilà… Béquille ou bouée, il permet de ne pas terminer ses phrases, laissant entendre que tout a été dit. Souvent il permet de ne rien dire. Enfin voilà.’